Les investisseurs ont parfois tendance à sous-estimer les risques qui ont peu de chances de se produire. Après tout, le monde des placements est rempli d’incertitudes. Les inquiétudes entourant d’autres risques importants, plus susceptibles de se concrétiser, sont déjà nombreuses. Il est cependant très important de tenir compte des risques à forte incidence qui ont une faible probabilité de se réaliser lors de la création et de la gestion des portefeuilles.
Prenons par exemple l’épisode inflationniste de la fin de 2021 et du début de 2022. Des décennies d’inflation modérée avaient fait croire aux marchés que la probabilité que l’inflation demeure élevée pendant une longue période était faible. En effet, au début de 2021, une inflation tenace était peu envisageable. Donc, lorsque l’inflation a commencé à croître au milieu de l’année, les investisseurs s’attendaient à ce que ce soit temporaire. Même les banques centrales croyaient qu’il y avait très peu de chances que l’inflation prenne des proportions incontrôlables. Au milieu de l’année 2022, l’inflation était toujours élevée, ce qui a nui aux consommateurs et aux marchés, car les banques centrales n’ont eu d’autre choix que de resserrer les conditions financières. Le fait d’avoir sous-estimé la persistance de l’inflation est revenu hanter de nombreuses personnes.
Par conséquent, il est judicieux de tenir compte des risques peu probables à forte incidence dans la conception d’un portefeuille multiactif. Prévoir les répercussions est un bon moyen de vérifier la solidité d’un portefeuille. Cette approche donne une idée de ce que serait le rendement des actifs financiers si un risque peu probable se concrétisait. Elle permet également de déterminer quels actifs sont en mesure de résister aux conséquences des événements et de vérifier si des modifications devraient être apportées au portefeuille.
Voici quelques risques à faible probabilité et forte incidence pour 2023 :
1) L’inflation pourrait ne pas tomber sous la barre des 4 ou 5 % aux États-Unis et au Canada, car le manque de main-d’œuvre maintient les salaires élevés. La réouverture de l’économie chinoise pourrait faire grimper les prix des produits de base. De plus, le conflit entre la Russie et l’Ukraine pourrait perturber davantage les exportations d’énergie et de céréales. Ces facteurs pourraient contraindre les banques centrales à relever les taux d’intérêt de manière importante en 2023, pour une deuxième année consécutive. La hausse des coûts d’emprunt exercerait de la pression sur les marchés.
2) L’augmentation des taux d’intérêt par la Banque centrale européenne pour lutter contre l’inflation pourrait avoir une incidence négative sur les économies plus vulnérables de la zone euro, comme l’Italie, le Portugal et la Grèce. Les tensions politiques résultantes pourraient augmenter le risque de démantèlement de la zone euro. Cela pourrait représenter une menace pour la monnaie commune de la région (l’euro) et les actifs évalués en euros.
3) Tandis que la croissance nominale de l’économie ralentit ou s’inverse par rapport au rythme effréné de l’année précédente, un défaut de paiement de la part d’un important émetteur de titres de créances de qualité ou à haut rendement pourrait affoler les marchés du crédit. Cela pourrait réduire l’appétence pour le risque des prêteurs. La circulation du crédit serait touchée, et d’autres actifs jugés risqués pourraient voir leur prix baisser en conséquence.
4) La demande de logements sur des marchés clés pourrait s’affaiblir beaucoup plus que prévu si les conditions financières demeurent strictes plus longtemps. Si les banques centrales ne diminuent pas les taux d’intérêt aussi rapidement ou autant que les marchés l’anticipent à l’heure actuelle, l’offre de logements pourrait dépasser la demande. Et ce, bien au-delà des prévisions des analystes. La réaction en chaîne engendrée par cette importante baisse des prix pourrait à son tour influer sur la consommation et l’appétit pour le risque. Les consommateurs se sentiraient alors moins riches. De plus, les banques pourraient devenir réticentes à accorder des prêts en raison de la chute de la valeur des maisons. Ces facteurs pourraient accroître le ralentissement de l’économie.
Les risques mentionnés ci-dessus peuvent sembler plutôt lointains et abstraits. Ils n’occupent pas beaucoup l’esprit des équipes de gestion des risques, qui les considèrent comme peu probables. Mais en comprenant les possibles répercussions de ces risques, nous pouvons mieux faire face aux imprévus et constituer des portefeuilles multiactifs plus résilients.