Les derniers mois ont été difficiles pour les marchés. L'indice S&P 500 a chuté d'environ 1 % depuis janvier, tandis que l'indice composé S&P/TSX a chuté de 3,9 %. Mais il y a un secteur qui tient relativement bien le coup : les marchés émergents.

Quoique l'indice MSCI Emerging Markets n'ait pas bougé au cours des quatre derniers mois, la catégorie d'actif a grimpé de 18 % au cours des 12 derniers mois, comparativement à 11 % pour les actions américaines et à 0,6 % pour les actions canadiennes.

Les marchés émergents sont depuis longtemps considérés comme la destination de choix pour la croissance, mais en réalité, les actions dans ces marchés n'ont pas fait bonne figure. L'indice des marchés émergents a baissé de 2 % au cours de la dernière décennie, tandis que l'indice S&P 500 a monté de 90 %. Les gains ont été suivis de pertes parce que les investisseurs mondiaux nerveux ont tendance à vendre leurs actions de pays qui, selon eux, présentent plus de risques lorsque l'économie mondiale les inquiète.

Il semble toutefois que les choses commencent à changer. Ces pays, parmi lesquels on compte le Brésil, la Chine, la Russie et l'Inde, ont dépassé de 15 % le rendement de l'indice S&P 500 au cours des deux dernières années et n'ont baissé que de 1 % de plus que le marché américain lors du plongeon du marché boursier en février.

Selon Christine Tan, gestionnaire de portefeuille, Placements mondiaux Sun Life, ce rendement supérieur n'est pas un coup de chance. Elle y voit un signe de très bon augure pour les investisseurs qui sont disposés à mettre leur argent dans cette catégorie d'actif diversifiée.

Un marché d'une plus grande maturité

Les marchés émergents ont atteint une certaine maturité et c'est une des principales raisons pour lesquelles ils affichent de bons résultats, déclare Mme Tan. Leurs marchés boursiers, leurs normes de gouvernance d'entreprise, les pratiques de leurs banques centrales et leurs gouvernements se sont développés au cours des deux dernières décennies, bien qu'ils aient encore du chemin à faire.

«Je parle parfois des marchés émergents comme entrant dans l'adolescence», dit-elle.

Des centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté pour entrer dans la classe moyenne. La situation du pays s'est améliorée et cela a contribué à la création d'une demande intérieure pour les biens de consommation. Actuellement, la Chine est la deuxième économie du monde, derrière les États-Unis, et d'autres pays comme la Corée du Sud, l'Inde et le Brésil continuent de croître et sont en voie de devenir des économies assez importantes.

 «Ils ont des classes moyennes considérables avec davantage de revenus disponibles», explique Mme Tan, ajoutant que ces économies sont maintenant appuyées par une consommation intérieure dans tous les secteurs, y compris les divertissements, le commerce au détail, la technologie et les voyages. D'ailleurs, de plus en plus de résidents de ces pays achètent des actions et des obligations de leur marché intérieur.

Tous ces facteurs ont contribué à la stabilisation de ces marchés. Maintenant, lorsque les investisseurs paniquent, ils ne vendent pas immédiatement ces actions.

«Il y a 20 ans, si l'économie américaine attrapait un rhume, la Chine attrapait une pneumonie», dit Mme Tan au sujet de la principale économie des marchés émergents. «Ce n'est plus vrai.»

Croissance solide soutenue

Les marchés émergents prennent leur essor, mais pourquoi les Canadiens, qui tendent à préférer les titres de leur propre pays, devraient se soucier de sociétés de l'autre côté de la planète? En raison de la diversification et de la croissance, selon Eric Kirzner, un professeur en finances à la Rotman School of Business de l'Université de Toronto.

L'indice MSCI Emerging Markets comprend 24 pays et, contrairement aux décennies précédentes où tout le monde passait des petites économies axées sur les exportations aux grandes économies, chaque pays a maintenant des moteurs économiques légèrement différents. De plus, l'économie de ces pays est moins liée à celles du Canada et des États-Unis. Ce qui se passe en Chine, par exemple, pourrait ne pas refléter ce qui se passe au Canada, donc leurs marchés boursiers et obligataires évoluent de façon plus indépendante.

Bien que la plupart des pays des marchés émergents aient connu une croissance significative, le produit intérieur brut (PIB) de nombre de ces pays continue de croître à un rythme deux à trois fois plus élevé que celui d'économies plus développées. Selon le Fonds monétaire international, l'économie de l'Inde devrait croître de 7,4 % en 2018, celle de la Chine, de 6,5 %, et celle du Vietnam, de 6,6 %.

Possibilités à l'étranger

Bien que plusieurs pays des marchés émergents aient affiché de bons résultats au cours des deux dernières années – les indices MSCI China et MSCI Brazil ont grimpé de 57 % et de 53 %, respectivement, selon S&P Capital IQ – Mme Tan voit encore des possibilités intéressantes dans les marchés émergents. Elle demeure optimiste à l'égard de l'Inde, où les deux tiers de l'économie sont liés à la consommation intérieure. Cette demande intérieure ne fera qu'augmenter, selon elle. Jusqu'à présent, sa position a donné des résultats : le Fonds Inde Excel Sun Life, qui détient des titres de banques comme ICICI Bank Ltd. et de sociétés technologiques comme Infosys Ltd., était le fonds de marchés émergents ayant obtenu le rendement le plus élevé en 2017, selon le Globe and Mail.

Le professeur Kirzner pense, lui aussi, que l'Inde continuera de croître, ainsi que plusieurs autres pays.

«Tout portefeuille d'actions avec un horizon de placement à moyen ou long terme devrait avoir des titres des puissances économiques que sont la Chine, la Corée du Sud et l'Inde, et peut-être des titres de pays sud-américains», déclare-t-il.

Accès aux marchés émergents

Les investisseurs peuvent accéder à ces marchés de diverses façons. Ils peuvent acheter les titres de multinationales canadiennes ou américaines qui augmentent leurs activités dans ces pays ou investir dans des fonds négociés en Bourse (FNB) qui suivent le rendement d'un de ces pays en particulier ou d'un indice composé d'un large éventail d'actions de marchés émergents.

Les investisseurs peuvent aussi acheter des parts de fonds communs de placement à gestion active. C'est ce que recommande Mme Tan aux Canadiens, car il peut être difficile pour les investisseurs de suivre de près l'évolution rapide de ces économies en plein essor.

Elle soutient, par exemple, que même si des multinationales comme McDonald's ont rapidement développé leurs activités en Chine au cours des dix dernières années, leur croissance future n'est pas aussi prometteuse que celle d'entreprises locales axées sur le consommateur, surtout que la plupart de celles-ci ont l'avantage d'être plus agiles et centrées sur le marché intérieur.

Mme Tan souligne qu'Alibaba Group Holding Ltd., l'Amazon.com de la Chine, a un taux de croissance beaucoup plus élevé que nombre de sociétés mondiales similaires et se classe maintenant parmi les plus grandes entreprises au monde.

Les FNB peuvent donner accès aux sociétés à très grande capitalisation comme Alibaba et la société technologique Tencent Holdings Ltd., mais les investisseurs doivent se méfier du risque de concentration. Par exemple, un FNB qui suit la Bourse de la Corée du Sud pourrait avoir placé 20 % de son actif dans la société Samsung Electronics Co. Ltd., la principale action de son indice.

Selon Mme Tan, les gestionnaires actifs peuvent mieux maîtriser le risque lié à la répartition de l'actif tout en réduisant la volatilité, laquelle continue d'être plus élevée que celle dans les marchés développés.

Elle croit qu'il est essentiel d'avoir des experts sur le terrain dans ces économies et marchés en pleine croissance.